Il y a quelques jours à peine, les étudiant.e.s bloquaient les rectorats de l’UCL et de l’ULB pour protester contre l’augmentation du minerval des étudiant.e.s internationaux.ales à 4.175 euros. Depuis plusieurs dizaines d’années, les syndicats étudiants ont toujours défendu un enseignement gratuit et égalitaire. Chaque tentative visant à augmenter le minerval s’est suivie d’une levée de boucliers féroces de toute la communauté étudiante. C’est grâce à ces étudiant.e.s, soucieux.ses que nos universités restent un service public accessible, que le minerval des étudiant.e.s a pu être gelé pendant des années.
Pendant ce temps, à la veille de la fin de la période du gel du minerval, les recteurs décidaient d’augmenter le minerval des étudiant.e.s issu.e.s de pays hors Union européenne en affirmant qu’il n’y avait aucun risque pour les étudiant.e.s européen.ne.s.
Ensuite, à peine la crise politique des étudiant.e.s internationaux.ales terminée, le recteur de l’Université de Namur intervient dans la presse[1] et semble convaincu de la nécessité d’augmenter le minerval pour tou.te.s, « tout en prenant en compte les questions sociales ». Une chose est certaine maintenant : Il devient difficile pour les recteurs de nier leur volonté politique d’augmenter le minerval pour tou.te.s.
Accepter un enseignement financé par le minerval des étudiant.e.s, en prenant en compte la capacité contributive de chaque étudiant.e, ce serait accepter un enseignement qui nierait sa fonction primordiale de service public qui est la sienne, ainsi que notre système de justice fiscale. En effet, le principe de base du service public est qu’il est financé par l’impôt et permet d’offrir les mêmes services à l’ensemble de la population. Cette logique redistributive constitue un premier rempart face aux inégalités puisqu’il offre à l’ensemble de la collectivité, sans établir de discrimination de patrimoine, les mêmes services. Se battre pour conserver ce modèle de service public dans lequel l’enseignement doit se retrouver, c’est se battre contre la précarisation, contre l’exclusion de nombreux.ses étudiant.e.s du système scolaire, et donc se battre pour un enseignement accessible !
Augmenter le minerval reviendrait donc à détruire et renier la fonction de service public que l’enseignement doit jouer. En effet, comme nous le montre le recteur de l’UNamur, le financement de l’enseignement supérieur tend à se détacher de son financement public pour se diriger vers un financement privé dans lequel aucun mécanisme de justice fiscale n’est mis en place. On pourrait donc se retrouver avec des années d’études, comme à l’Université Libre de Bruxelles, à 50 000$[2] ou encore avec des programmes influencés par les intérêts des « financeurs » (dirigeant.e.s de grandes entreprises, par exemple). On s’éloignerait dès lors d’un enseignement accessible à tou.te.s mais aussi d’un enseignement critique.
En résumé, faire correspondre le coût d’un service commun – l’enseignement supérieur, en l’occurrence – avec la capacité contributive des bénéficiaires – la capacité des étudiant.e.s à payer leurs études – renvoie à la question de l’enseignement et, plus largement, à la question de la société que nous voulons pour demain. Est-ce une société où les citoyen.ne.s ont accès au service public en fonction de leurs moyens et où les plus pauvres pourraient donc être exclu.e.s ?
Cependant, nous pouvons partager un constat avec le recteur de l’Université de Namur, celui qui affirme que l’enseignement supérieur manque de financement. En effet, suite à un gel du montant octroyé à l’enseignement supérieur depuis de nombreuses années et à l’augmentation du nombre d’étudiant.e.s inscrit.e.s, nous nous retrouvons dans une situation de sous-financement de l’enseignement. C’est la réponse à apporter à ce problème qui peut diverger : la Fédération revendique un refinancement public et structurel de l’enseignement supérieur, ce qui contraste fortement avec les politiques menées actuellement. En effet, à l’heure où la précarité étudiante ne cesse d’augmenter (+ 125 % de demandes d’aides faites par les étudiant.e.s au CPAS), où les inégalités sociales et d’accès à l’université sont encore très présentes et s’accentuent, les universités se lancent dans un jeu de sélection, de méritocratie, d’élitisation de notre enseignement qui finira par fermer les portes de l’enseignement supérieur aux étudiant.e.s issu.e.s de milieux plus défavorisés. Pourtant, le refinancement ne viendra pas grâce à une diminution du nombre d’étudiant.e.s ayant accès à l’enseignement supérieur, mais bien en investissant dans celui-ci !
Finalement, la volonté d’augmenter le minerval pour les étudiant.e.s étranger.ère.s n’est qu’une étape inscrite dans un agenda précis qui vise, à terme, à faire correspondre la capacité contributive des étudiant.e.s aux coûts de la formation universitaire. Cette logique est poussée par les recteurs mais également par une certaine classe politique qui a définitivement rompu avec l’idée fondamentale sur laquelle reposent les services publics et donc, l’enseignement supérieur.
En conclusion, la FEF n’accepte pas que le minerval des étudiant.e.s puisse aussi facilement être attaqué et sera prête, à nouveau, à lever les boucliers le temps venu pour défendre le service public qu’est l’éducation, ainsi que tou.te.s les étudiant∙e∙s.
[1] Interview parue dans La Libre, lundi 08 mai 2017 – à lire ici
[2] En partenariat avec l’Université américaine de Georgetown, l’ULB va créer un nouveau master en économie dont le coût attendra les 50.000 dollars par an – à lire ici