Carte blanche proposée par l’asbl Jeune Et Citoyen le 27/05/15
Citoyenneté active des élèves : sortir de la clandestinité
« La citoyenneté ne « s’apprend » pas au travers d’un cours qui lui serait spécifiquement dédié. Elle s’acquiert, jour après jour, au coeur de la diversité de la vie scolaire ». Ce sont les termes de la Ministre de l’Enseignement obligatoire de l’époque qui introduisent « Être et devenir citoyen », le document de référence instauré par le décret « renforcement citoyenneté » de 2007.
Au regard de cette déclaration d’intention, que faire de la proposition de Mme. Milquet d’instaurer un « encadrement pédagogique alternatif » en remplacement des cours de religion et de morale dès la prochaine rentrée scolaire pour ceux qui n’en veulent pas ? Et au-delà, en quoi présage-t-il du cours d’éducation à la citoyenneté prévu pour la rentrée 2016 ?
Avec l’« encadrement pédagogique alternatif », l’éducation à la citoyenneté entre, timidement, dans la grille horaire de certains élèves. Avec le cours de citoyenneté, cette place devrait se confirmer (bien que réduite à une heure) et s’étendre à tous les élèves. Nous ne pouvons que nous réjouir que la question de la citoyenneté active des élèves sorte progressivement de l’ombre à laquelle elle était confinée dans les faits. Mais nos inquiétudes en la matière sont à la hauteur de nos espoirs.
Tout le monde n’a pas oublié qu’en 2007, la Communauté française adoptait un décret dit « renforcement de l’éducation à la citoyenneté ». Celui-ci poursuivait trois objectifs : promouvoir l’acquisition de compétences par l’élève pour mieux comprendre la société ; la mise en oeuvre de savoirs, savoir-faire et savoir-être à travers des activités interdisciplinaires ; l’exercice d’une citoyenneté active dans des structures participatives. Pour quels résultats ? Il n’a jamais été évalué.
Mais sur le terrain, nous constatons que, faute de moyens structurels pour accompagner les établissements dans son application, celle-ci reste très inégale. Elle repose le plus souvent sur le volontariat des élèves, le bénévolat d’équipes éducatives, le bricolage institutionnel. Les espaces-temps de coordination pour construire les activités interdisciplinaires ou pour faire vivre les structures de participation des élèves se glissent dans les interstices de la journée scolaire : sur le temps de midi ou après les cours.
Un subside a accompagné la mise en oeuvre des prescrits du décret en 2010-2011. Puis a disparu.
Certes, une heure hebdomadaire, un professeur attitré (et rémunéré), un local, représentent en soi un progrès par rapport aux moyens de fortune dont les élèves doivent aujourd’hui se contenter pour expérimenter la citoyenneté active dans leur école. Mais comment va-t-on outiller les professeurs pour éviter de réduire ce cours (ou « encadrement pédagogique ») à un programme d’« éducation civique » déconnecté du vécu quotidien des élèves ?
L’éducation à la citoyenneté ne peut pas se contenter d’une approche magistrale. Pour qu’elle prenne du sens, elle doit s’ancrer dans la vie des élèves. Elle doit donc passer par la mise en projet, par l’expérience. Les savoirs et savoir-faire mobilisés par les « prestations » envisagées
par Mme. Milquet dans l’ « encadrement pédagogique alternatif » sont en ce sens nécessaires mais non suffisants.
La mise en projet, la coordination interdisciplinaire exigent du temps… Mais n’est-ce pas un coût concevable pour promouvoir le fondement de notre démocratie ?
Ces perspectives constituent des défis pour l’enseignement, notamment en termes d’emploi et de formation, d’organisation des établissements scolaires et d’accompagnement des professeurs concernés. Le secteur associatif peut s’avérer un précieux allié pour soutenir les écoles confrontées à ce dernier défi. Jeter des ponts entre l’éducation formelle et l’éducation non formelle est précisément une des opportunités que nous ouvre aujourd’hui le débat sur les cours de citoyenneté. L’enseignement et le secteur associatif détiennent des expertises complémentaires et chacun gagnerait à miser sur un enrichissement mutuel, à commencer par les jeunes eux-mêmes.
Et, justement, les jeunes dans tout ça ?
Dans le débat entre professionnels, entre réseaux, entre pôles politiques, ne perdons pas de vue que l’éducation à la citoyenneté dont nous parlons les concerne au premier chef.
La place et les moyens que nous accordons à l’éducation à la citoyenneté, la vision que nous en construisons et la manière dont nous la négocions sont déjà des messages que nous envoyons aux jeunes sur l’importance du vivre-ensemble et des valeurs démocratiques.
Et si on les invitait à la table ?