La nouvelle crise aigüe touchant pour une énième fois les numéros INAMI est la preuve irréfutable d’un problème de société particulièrement complexe. Celle-ci ne concerne pas que les étudiants francophones en médecine, loin de là. Comme dans toute crise, nous nous devons de saisir les opportunités afin de ne plus commettre les mêmes erreurs mais aussi de rectifier le tir, pour ce qui peut encore l’être.
Tout d’abord, il faut se réjouir des décisions de la Ministre De Block d’attribuer un numéro INAMI à tous les étudiants inscrits en dernière année de médecine ainsi que d’augmenter les quotas pour l’année 2022. Cependant, il est regrettable que la clé de répartition établie par la Commission de planification, composée de professionnels du secteur médical et académique, ne soit pas prise en considération. Pour la première fois depuis des années, le nombre de numéros INAMI octroyé est revu à la hausse, comme la Commission de planification l’a précisément recommandé. Ceux-ci passeront donc de 1230 à 1320 en 2022, ce qui veut donc dire que l’offre médicale se verra augmenter.
Il est primordial de noter que la nouvelle clé de répartition n’a pas été prise en compte car entre l’avis rendu par la Commission de planification et la décision prise, un évènement majeur a changé la donne : le concours en fin de première année s’est vu être invalidé par le Conseil d’Etat. Suite à différentes actions en référés, 200 étudiants « reçus-collés » viennent ainsi encore s’ajouter aux 2 185 étudiants surnuméraires en médecine – surnuméraires parce qu’aucun filtre n’a été instauré en Fédération Wallonie-Bruxelles préférant systématiquement reporter ce problème à leurs successeurs au poste de Ministre de l’Enseignement supérieur et donc sur les générations futures.
Nous exigeons donc, d’une part, que la Ministre de la Santé De Block garantisse un numéro INAMI à l’ensemble des étudiants actuellement inscrits dans un cursus de médecine en Fédération Wallonie-Bruxelles. Il serait effectivement inadmissible que des jeunes ayant étudié pendant trois, quatre, voire cinq ans se voient refuser l’accès à leur métier rêvé à cause de la seule inertie politique.
D’autre part, nous exigeons du Ministre Marcourt qu’il mette enfin en place un examen d’entrée pour les études de médecine. Nous sommes d’avis que ce moyen de sélection est le plus adapté à notre réalité. La Fédération des Étudiants Libéraux a d’ailleurs toujours plaidé en faveur d’un tel système accompagné d’une année propédeutique pour ceux ayant échoué à l’examen d’entrée. Par ailleurs, nous proposons de dispenser des cours durant l’été afin d’aider les étudiants au passage de cet examen, ainsi que de mettre en place des cours préparatoires spécifiques à la médecine en rhéto, comme cela se fait déjà pour les études d’ingénieur.
L’examen d’entrée reçoit notre faveur pour plusieurs raisons. En effet, les amphithéâtres ne seront plus surchargés au plus grand bénéfice des étudiants et de la qualité de leur formation. Ensuite, tous les étudiants pourront effectuer leurs stages dans les meilleures conditions possibles, étant donné que les places ne sont pas illimitées. Par ailleurs, la saga que nous connaissons depuis des années ne touche pratiquement que la Fédération Wallonie-Bruxelles, pour la simple raison que la Flandre a opté, dès le début, pour cette solution et ce avec succès. Pourquoi donc ne pas copier un modèle qui fonctionne si ce n’est à cause d’un blocage idéologique de nos responsables politiques au grand dam du pragmatisme et des conséquences qui retombent sur nos étudiants. Enfin, ce système permettra à long terme que chaque diplômé obtienne le précieux sésame : un numéro INAMI.
Si une pénurie est avérée, celle-ci est loin d’être généralisée. Elle touche des professions médicales et des zones géographiques précises. Dès lors, compte-tenu de la qualité du travail réalisé par cette Commission de planification, nous proposons d’inciter les étudiants à se diriger vers l’une de ces filières et les professionnels des soins de santé à s’installer dans ces zones en carence.
Pour finir, nous aimerions mettre fin à la désinformation entourant les quotas de numéros INAMI. Contrairement à ce que laissent entendre les représentants étudiants, le cadastre et les quotas ne sont certainement pas « unanimement reconnu[s] comme loin de la réalité. » La Commission de planification, composée de professionnels du secteur médical et académique, a réalisé un travail colossal en établissant pour la première fois un cadastre dynamique des professions des soins santé à partir de 2022. Ce cadastre repose bel et bien sur de multiples critères, tels que la diminution du temps de travail, le vieillissement du corps médical ou encore les différentes spécialisations par exemple, permettant d’évaluer les futurs besoins médicaux de notre société. Ces projections, et donc ces quotas, sont précisément reconnus par le secteur médical dont les délégués ont participé aux débats et à l’approbation des critères.
Malgré l’avancée considérable que représente la mise sur pied d’un cadastre dynamique des professions médicales, nous estimons que des améliorations substantielles doivent encore être apportées. En effet, de nombreux détenteurs de numéro INAMI n’utilisent pas ce dernier mais sont pourtant bel et bien comptabilisés. Nous pensons aux étudiants étrangers diplômés en Belgique qui repartent après avoir reçu un numéro INAMI exercer dans leur pays respectif, aux médecins belges qui pratiquent à l’étranger sans prévenir de leur départ, ou encore à tous ceux qui professent dans le milieu médical belge mais qui n’ont pas besoin de numéro INAMI pour l’exercice de leur métier. Afin d’éviter cette comptabilisation excédentaire, nous proposons de mettre en place un système simple qui leur permettrait de garder leur numéro mais de déclarer leurs activités réelles annuellement vérifiables à l’INAMI tout en ne nécessitant pas de grands moyens, mais en étant pourtant efficace.
En conclusion, si les décisions récentes vont dans le bon sens, après avoir enfin augmenté les quotas pour l’année 2022 et garanti un numéro INAMI pour tous les étudiants inscrits en dernière année de médecine, il est nécessaire de continuer à œuvrer pour un système cohérent, notamment en améliorant le système de comptabilisation des détenteurs d’un numéro INAMI. Le Ministre Marcourt doit mettre en place un examen d’entrée afin d’éviter de nouveaux étudiants surnuméraires et la Ministre De Block doit garantir un numéro INAMI à l’ensemble des étudiants actuellement en Faculté de médecine. Une fois la situation régularisée et stable, le futur gouvernement fédéral devra revoir la clé de répartition entre la Flandre et la Fédération Wallonie-Bruxelles et suivre les recommandations de la Commission de planification.
NB : article écrit en collaboration avec le Professeur Alain De Wever, Professeur en Économie de la Santé à l’ULB
Cédric Pierre,
Président de la Fédération des Étudiants Libéraux
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