Qui n’a pas croisé le regard tuméfié du Dalaï-Lama, Karl Lagerfeld ou encore Iggy Pop au cours du mois de juin 2014 ? Sans aucun doute, la campagne d’Amnesty International a marqué les esprits. Preuve indéniable que les ONG ne cessent de rivaliser pour capter l’attention du grand public. Mais en obtiennent-elles toujours les effets escomptés ?
L’antenne belge d’Amnesty International a certainement atteint son objectif en donnant une visibilité accrue à sa campagne de sensibilisation contre la torture. Associant personnalités connues, images violentes et slogan ironique, la campagne a été commentée, à maintes reprises, par les médias.
Dans un autre genre, Greenpeace, adepte des campagnes et actions chocs – souvenez-vous de l’arme pointée sur la tempe d’un faux Elio Di Rupo pour dénoncer les pratiques mafieuses des adeptes du nucléaire –, remet le couvert en s’attaquant au partenariat conclu entre Lego et Shell. Subtilement, Greenpeace a choisi de contrecarrer Lego sur son propre terrain en réalisant une parodie mélodramatique du film promotionnel de la célèbre marque de jouet. Le message y est détourné afin de démontrer les ravages causés par le forage pétrolier réalisé par Shell en Arctique. Par cette pratique, l’ONG n’attaque pas de front sa cible principale et souhaite amener Lego à revenir sur l’accord commercial conclu avec la firme pétrolière, le tout en sensibilisant le grand public via un film d’animation revisité. L’objectif de la campagne est donc multiple mais se heurte déjà à la censure pour cause de droits d’auteur.
Si certaines campagnes ont pour vocation de sensibiliser le grand public à une problématique ou de donner un coup de projecteur à une réalité parfois méconnue, d’autres ONG utilisent le même type de procédés avec l’objectif de susciter une réaction dans le chef du spectateur.
Culpabilité VS Empathie
En Afrique du Sud, la campagne de l’ONG « Feed a child » a récemment fait couler beaucoup d’encre au point que celle-ci a été suspendue. Jouant sur le thème que les animaux domestiques mangent en moyenne mieux que des millions d’enfants, cette dernière met en scène une riche femme blanche nourrissant un enfant noir comme s’il s’agissait de son chien. Si la justesse de la cause – la malnutrition des enfants – ne fait pas de doute, les moyens employés pour la défendre n’ont pas permis d’atteindre l’objectif fixé qui était d’engranger des dons. En misant sur la culpabilité du grand public, l’ONG s’est prêtée à un jeu dangereux qui s’est retourné contre elle. La campagne a été sévèrement critiquée et taxée de raciste ; le contexte sud-africain particulièrement sensible sur les questions raciales n’ayant vraisemblablement pas été pris en compte par les concepteurs de la campagne.
En faire trop peut donc desservir l’organisation. En effet, d’après Jan Callebaut, conseiller en communication et ancien patron d’agence de pub, « les associations et ONG qui vont trop loin dans leurs campagnes ne sont plus en adéquation avec leur objectif initial et y perdent en crédibilité » [1].
Avec le même objectif de récolte de dons, une campagne menée par l’antenne norvégienne de l’association SOS Village d’Enfants en faveur des enfants syriens a rencontré un meilleur accueil. En jouant sur l’empathie et la solidarité d’inconnus confrontés à un enfant norvégien souffrant du froid, l’ONG interpelle sur le sort des enfants en Syrie. En transposant la situation d’un enfant syrien en Norvège, cible de la campagne, et en la personnalisant, le spot permet de confronter, de manière réaliste, Monsieur et Madame Tout le Monde à une réalité lointaine parfois difficilement palpable. Si la campagne a été globalement bien reçue, c’est également grâce au caractère positif que l’ONG a préféré mettre en avant en choisissant de montrer l’empathie plutôt que de choquer ou culpabiliser.
La fin justifie-t-elle les moyens ?
La question mérite d’être posée. En matière de communication, il est nécessaire de se singulariser si l’on souhaite accéder à une certaine notoriété et ce, d’autant plus à l’époque où le public est submergé d’informations. Pour donner de la visibilité aux intérêts qu’elles défendent, les ONG s’inscrivent de plus en plus dans cette logique de démarcation. Néanmoins, il est pertinent de se demander si la fin justifie toujours les moyens. Les nobles causes légitiment-elles le recours aux images chocs et parfois culpabilisantes qui sont soumises aux regards des spectateurs ? Dans un article du Soir, le président du Jury d’Ethique Publicitaire (JEP) estime « qu’on peut aller plus loin quand il s’agit d’une campagne de sensibilisation pour une « bonne cause » que dans une publicité strictement commerciale (…) » [2].
Néanmoins, de nombreux exemples démontrent que la surenchère ne paie pas toujours et que les citoyens ne sont pas si facilement impressionnables voire manipulables. A nous de nous comporter en spectateur averti et de savoir prendre le recul nécessaire par rapport aux images qui nous sont soumises afin de nous forger notre propre opinion sur ces interpellantes campagnes.
Le Conseil de la Jeunesse Catholique (CJC)
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