Le marronnier, c’est cet arbre qui, dès septembre, jonche le sol des avenues de ses jolis fruits ronds. En journalisme, un marronnier, c’est aussi un article ou un reportage à faible valeur informationnelle sur un sujet récurrent et prévisible. La rentrée scolaire en est un exemple parfait. Chaque année, en même temps que les marrons (les vrais), apparaissent de gentils reportages sur « la rentrée chez Madame Mireille, institutrice » ou « le poids des cartables ».
Le traitement journalistique de la rentrée ne peut pas se limiter à des récits d’anecdotes parce qu’elle cristallise autour d’elle de nombreux enjeux, pour les élèves, les enseignants, les parents… mais aussi pour la société dans son ensemble. Elle doit être l’occasion de réfléchir au sens que nous voulons donner à l’École.
Éducation et citoyenneté
L’école est à la fois un lieu de formation et de socialisation, tant pour les élèves que pour les équipes éducatives. Ces deux dimensions sont intimement liées : acquisition de savoirs, savoir-faire et savoir-être, relation aux pairs et aux « pères », esprit critique, autonomie, responsabilité, respect (des règles et des autres)… sont autant de termes qui constituent la complexe équation de l’apprentissage et de l’éducation.
Par les compétences et les attitudes qu’elle développe chez les élèves, la citoyenneté active sous-tend et soutient de manière transversale les objectifs généraux de l’enseignement en Communauté française [1]. Elle ne peut donc se réduire à un « à-côté pédagogique » de l’enseignement.
L’école, fondement d’un parcours citoyen
Tout le monde s’en souvient, la rentrée c’est un peu cet instant fébrile où tout est à venir et où on se projette dans l’année avec ses peurs et ses attentes, où se construisent de nouvelles dynamiques dans les classes et dans l’école. C’est un moment privilégié pour réfléchir à la manière dont on veut vivre ensemble 10 mois durant, au(x) projet(s) commun(s) qu’on souhaite porter. La délégation d’élèves est en cela un outil fondamental.
Or, parmi les temps forts du début d’année, ceux qui concernent la délégation sont souvent négligés, faute de temps. À tort… Car l’importance accordée à ces processus participatifs (l’information sur le rôle des délégués, leur élection, la constitution de l’équipe d’adultes-ressources, la construction du cadre de fonctionnement de la délégation, etc.) est déterminante à plusieurs points de vue. Elle envoie un signal fort aux élèves sur la place qui leur est faite dans l’école et favorise leur implication dans celle-ci en même temps que leur émancipation. Elle instaure des bases solides et claires pour un « vivre-ensemble » de qualité durant l’année. Elle permet des expériences qui sont aussi sources d’apprentissages et qui sont fondatrices dans le parcours citoyen des élèves et leur rapport à la démocratie.
Une vision politique pour la citoyenneté à l’école ?
À cet égard, la déclaration de politique communautaire nous laisse sur notre faim. Elle se borne en la matière à annoncer l’instauration d’un cours commun d’éducation à la citoyenneté, (…) incluant un apprentissage des valeurs démocratiques, des valeurs des droits de l’Homme, des valeurs du vivre-ensemble et une approche historique des philosophies des religions et de la pensée laïque. Nous sommes bien conscients que face à des marges budgétaires qui seront très étroites, la Fédération Wallonie-Bruxelles devra faire preuve d’imagination, d’audace et de responsabilité [2].
Mais il est permis de s’interroger si, dans ce cadre, un tel cours est bien la réponse imaginative, audacieuse et responsable adéquate ? On est encore loin de l’approche globale et transversale de la citoyenneté à l’école espérée. Nous pensons que la citoyenneté active se développe par l’exercice, l’expérience, voire l’expérimentation. Elle ne s’apprend pas (seulement) dans les livres ou les notes de cours. Elle se vit dans une pratique ancrée dans le quotidien des jeunes. Comme l’école, par exemple…
Nicolas Linsmeau – Jeune Et Citoyen asbl
Pour le CJC
[1] Selon les termes du « décret Missions », M.B. 23-09-1997
[2] Extrait de l’introduction de la DPC (p.3).