Entre 1995 et 1997, les 29 États membres de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) avaient entrepris en secret la négociation d’un accord multilatéral sur l’investissement (AMI) qui consacrait la prédominance des entreprises multinationales sur les peuples. Aujourd’hui, cet accord avorté revient sous une nouvelle forme non moins néfaste : le traité transatlantique. Reste à savoir si la mobilisation ayant permis de contrer l’AMI il y a 20 ans peut à nouveau se réveiller !
C’est autour de ce sujet que 4 partis politiques belges, le Sp.a avec Dirk Van der Maelen, Groen avec Petra de Sutter, le cdH avec Georges Dallemagne et le PTB+/PvdA+ avec Tim Joye ont exprimé leur positionnement aux citoyens.
L’accord de partenariat transatlantique de commerce et d’investissement (TTIP) est en cours de négociation entre l’Union européenne et les États-Unis depuis juillet 2013 pour une durée de 2 ans. Les deux parties entreprennent un rapprochement discret qui pourrait bien engendrer de nombreuses conséquences sur les standards de vie européens.
Concrètement, le traité permettrait à des entreprises privées de concurrencer nos services publics, en matière de santé et d’éducation entre autres. Cette logique privée purement marchande aurait pour effet une dégradation de la qualité des services, des soins et des conditions de travail. Même affaire pour l’éducation qui verrait bientôt fleurir des universités privées indépendantes du contrôle des États et probablement étrangères au développement de l’esprit critique qui nous est cher.
Alors pourquoi conforter davantage un partenariat entre ces deux géants économiques tandis que les taxes douanières [1] avoisinent déjà les 4% et que l’ampleur des échanges annuels dépasse les 600 milliards de dollars pour les seuls produits ?
Officiellement, pour favoriser la croissance et l’emploi, officieusement, pour consacrer la suprématie des entreprises privées sur les États, le tout inféodé au libéralisme dérégulé. Car la ratification de ce traité supposerait aussi l’élimination des barrières non tarifaires existantes, c’est-à-dire de la plupart des normes et des réglementations en vigueur à l’arrivée des produits américains sur le marché européen. Autrement dit, la disparition des mesures de protection sociales, environnementales et sanitaires qui contreviendraient à la liberté de marché voulue par des entreprises avides de profit. Produits OGM, bœuf aux hormones, porc gonflé à la ractopamine… pourraient alors peupler nos supermarchés.
Avec en prime, le privilège pour ces entreprises de porter plainte en cas de résistance d’un État à leurs bénéfices potentiels dans des tribunaux spécialement créés pour arbitrer ce genre de litiges. Un avenir où le libre-échange institutionnalisé imprégnerait toutes les politiques publiques ne leur concédant que quelques miettes de souveraineté.
La partie se joue au niveau européen mais les différents parlements des États membres ont aussi leur mot à dire. L’occasion de consulter nos représentants politiques sur les enjeux du libre-échange.
Le traité transatlantique promet plus d’emplois grâce à une croissance stimulée. La Commission européenne parle de plus de 0,5% de croissance du PIB tandis que les estimations du Centre européen d’économie politique internationale avancent le chiffre de 0,06% de hausse du PIB [2].
D’après le SP.a, les bénéfices annoncés par Karel de Gucht, Commissaire européen au Commerce, seront probablement en deçà des prévisions. Le cdH plaide pour s’orienter vers des convergences réglementaires entre États-Unis et Union européenne sans obligation d’aboutir si des consensus ne sont pas trouvés, ce que Groen et le PTB jugent parfaitement illusoire.
Du point de vue de l’environnement, l’accord transatlantique permettrait la multiplication de projets d’exploration et d’extraction de gaz de schiste en Europe, en dépit de tous les risques environnementaux et sanitaires manifestes [3].
Tous les partis se montrent opposés à l’extraction de gaz de schiste, jugeant l’opération trop risquée. Le SP.a signale tout de même que les États membres de l’UE ne sont pas unifiés sur le sujet.
En définitive, les 4 partis affirment que si le traité venait à rester inchangé, ils mettraient un terme aux négociations. Néanmoins, contrairement à Groen et au PTB, le cdH et le SP.a restent, pour le moment, ouverts à la discussion, le SP.a allant même jusqu’à affirmer qu’une alliance UE- États-Unis permettrait d’être « plus forts » que la Chine, qui serait ainsi « contrainte de nous suivre ». Mais ces positionnements en apparence encourageants s’effacent vite lorsqu’il s’agit de les assumer au sein des gouvernements, en témoigne avec honnêteté le SP.a. Les opinions cèdent la place aux calculs stratégiques et le réalisme peureux reprend le dessus. Un mot d’ordre : « Citoyens, gardez l’œil ouvert, restez critiques, et ne vous laissez pas embobiner ! ».
Pour plus d’informations :
- Le dossier de la CNE sur le traité transatlantique
- L’article de Mediapart et l’entretien entre Nicole Bricq, ministre du commerce extérieur française et Yannick Jadot, eurodéputé EELV
- Avis des partis politiques en matière de solidarité
- Le site de la Commission européenne sur le TTIP
Géraldine Duquenne
Commission Justice et Paix asbl
[1] Il s’agit d’un impôt prélevé sur une marchandise importée lors de son passage à la frontière.
[2] M. WALLACH Lori, « Le traité transatlantique, un typhon qui menace les européens », http://www.monde-diplomatique.fr/2013/11/WALLACH/49803
[3] Chaque puits d’extraction nécessite entre 4 et 30 millions de litres d’eau et de 80 à 300 tonnes de produits chimiques cancérigènes, comme le benzène, le toluène, l’éthylbenzène ou le xylène.