Il est des sujets qui, dans la brûlante actualité, peuvent sembler anodins. Difficile, en effet, de faire le poids face à la bêtise ignorante d’un magnat de l’immobilier américain, aux catastrophes climatiques et sociales ou encore à la barbarie terroriste. Anodin, le fait pour un couple de ne pouvoir se balader main dans la main, dans sa ville, ne l’est pourtant pas. Est-ce une complainte de plus de jeunes LGBTQI « qui ne devraient pas avoir à se plaindre en Belgique » ? Pas tout à fait. Il s’agit d’une réalité vécue et assez mal ressentie par quantité de jeunes LGBTQI dans nos villes, de Liège à Bruxelles. Une réalité vécue y compris par des jeunes assez « militant-e-s ».
Un tel sentiment d’insécurité (car appelons un chat un chat) est-il justifié ? La nuance est de mise pour répondre à cette question. Nous avons en effet la chance de vivre dans un État où les droits des LGBTQI sont (bien qu’imparfaitement) reconnus, au sein d’une société globalement ouverte. Toutefois, force est de constater un nombre relativement important d’actes « LGBTQI-phobes », souvent non déclarés, « limités » à des insultes.
Ce malaise ne touche pas tous/tes les (jeunes) LGBTQI, certain-e-s osant peut-être plus que d’autres. La stigmatisation est aussi plus large : sexisme (il suffit de songer à ce reportage suivant une fille dans les rues de la capitale), racisme, antisémitisme, islamophobie et j’en passe, frappent également d’autres groupes perçus comme minoritaires.
Cette problématique, liée à d’autres débats plus visibles (burkini, Pokémon…), pose la question de l’espace public et de son appropriation. C’est dans cet espace que, avant tout autre lieu, se rencontrent les composantes de notre société pluraliste. Comment faire pour que chacun-e s’y sente bien et puisse s’y épanouir sans heurter l’autre ? Les ravages d’une mauvaise gestion de cette cohabitation sont palpables : incompréhension, peur et rejet.
Un lieu commun : chacun doit y mettre du sien. Notre société de plus en plus individualiste rend cependant de plus en plus difficile la remise en question. Elle complique la possibilité pour un individu de se mettre à la place d’autrui et d’ainsi partager ce qu’il vit.
Un jeune couple n’osant pas se donner la main en rue est donc bien un sujet d’une brûlante actualité : il représente la faillite de notre société et la difficulté de nos autorités à défendre les règles élémentaires de vivre-ensemble, lesquelles ne peuvent, évidemment, être prétextes à une quelconque stigmatisation.
Maxime Lafosse
Les CHEFF