A l’heure où le Pacte pour un Enseignement d’excellence arrive dans sa dernière ligne droite, il nous faut parler d’un projet de réforme qui devrait lui être intimement lié. En effet, une réforme de la formation initiale des enseignant∙e∙s semble être une nécessité pour accompagner un changement aussi important dans notre système scolaire.
Pendant ce temps, le cabinet du Ministre de l’Enseignement Supérieur, Jean-Claude Marcourt, a proposé une réforme de la formation initiale des enseignant∙e∙s, faisant passer les études de trois à quatre ans en y ajoutant un master de 60 ECTS.
Le premier élément à noter dans cette réforme est la volonté toujours plus grande des autorités de limiter l’accès aux études en faveur d’une vision élitiste de l’enseignement. Effectivement, il est prévu que des tests d’orientation non-contraignants et des examens d’entrée (contraignants cette fois) soient organisés avant le début de l’année académique. Ces tests constituent un frein à l’accessibilité des études et il ne semble pas extrêmement pertinent de limiter le nombre de futur∙e∙s enseignant∙e∙s lorsque le métier connait déjà une grave pénurie. De plus, lorsque l’on sait que les inégalités liées à la situation socio-économique des jeunes et de leurs parents sont très présentes dans l’enseignement obligatoire en Fédération Wallonie-Bruxelles, il semble intolérable de sélectionner et décourager les étudiant∙e∙s.
Dans cette réforme, il est également prévu que les enseignant∙e∙s puissent donner cours dans les années inférieures et/ou supérieures à celles pour lesquelles ils.elles sont actuellement formé∙e∙s. En voulant, maladroitement, permettre une continuité dans le tronc commun polytechnique et pluridisciplinaire, la proposition crée un sérieux risque de mise en concurrence des enseignant∙e∙s.
Il est aussi à noter que la réforme veut opérer un remaniement dans les appariements en vue de combler la pénurie en langue moderne, en mathématique et en sciences. Il sera donc possible d’être professeur∙e, par exemple, de mathématiques et de néerlandais. Pourtant, afin d’assurer une formation de qualité aux élèves, il est important de conserver des profils de formations cohérents et de ne pas chercher à créer des enseignant∙e∙s bouche-trous.
La décision est aussi prise d’augmenter le nombre et la durée des stages, quitte à faire reposer sur les épaules des étudiant∙e∙s une plus grande charge pécuniaire. Car oui, faire des stages entraîne l’achat de matériel, souvent des surcoûts au niveau des transports, etc. Cependant, rien n’est prévu pour les étudiant∙e∙s stagiaires, ni rémunération, ni prise en charge des frais occasionnés par le stage. Nous le déplorons.
Au niveau des rémunérations des futur∙e∙s enseignant∙e∙s, rien n’a été fixé. On pourrait donc se retrouver avec des étudiant∙e∙s qui se forment et paient leurs études plus longtemps, mais dont le travail ne sera pas pris en compte dans leur rémunération.
De plus, rien ne semble prévu pour les étudiant∙e∙s actuellement en cours de formation et pour les travailleur∙se∙s déjà formé∙e∙s. Ne nous y méprenons pas, nous devons assurer une égalité de traitement entre tou∙te∙s les travailleur∙se∙s car ils.elles ne sont pas responsables de la formation qu’ils.elles ont reçue. Dans ce cadre, nous demandons une adaptation du salaire à celui qu’auront les futur∙e∙s enseignant∙e∙s et une amélioration de la formation continue durant les heures scolaires afin de permettre à tou∙te∙s de se former du mieux qu’ils.elles peuvent.
En résumé, la proposition de réforme émise par le Ministre de l’Enseignement supérieur n’est pas acceptable pour la Fédération des Etudiant∙e∙s Francophones. En effet, celle-ci est faite en dépit de tout bon sens, sans prise en considération du point de vue étudiant sur le choix des études, nuisant à la qualité de service public accessible que revêt l’enseignement et parce qu’elle pousse vers toujours plus d’inégalités.
Que proposons-nous ? En réaction à cela, la Fédération des Étudiant∙e∙s Francophones et le Comité des Élèves Francophones ont repensé la formation initiale des enseignant∙e∙s pour que celle-ci corresponde aux besoins de l’école de demain.
Nous proposons la création d’un tronc commun pédagogique qui donnerait à tou∙te∙s les futur∙e∙s enseignant∙e∙s les mêmes bases en pédagogie, psychologie, démocratie scolaire, etc. Cela permettra la continuité dans le parcours de l’enfant au sein du tronc commun polytechnique et pluridisciplinaire en ayant engagé une dynamique de travail commune à tou∙te∙s les enseignant∙e∙s. En parallèle à ce tronc, nous proposons un tronc didactique différencié permettant la formation didactique et scientifique des disciplines à enseigner pour le niveau dans lequel l’enseignant∙e veut donner cours.
Au-delà d’une structure de la formation réformée, nous proposons une augmentation du nombre d’heures de formation consacrées aux sciences humaines afin de sensibiliser les étudiant∙e∙s aux différentes inégalités qui existent au sein de la société pour stopper la reproduction de celles-ci via l’école, mais aussi pour apporter une vision multiculturelle au sein de l’école. Dans l’idéal, les futur∙e∙s enseignant∙e∙s seraient également formé∙e∙s à l’identification et à l’accompagnement des élèves aux besoins spécifiques et ceux en décrochage scolaire, ainsi qu’à l’utilisation des nouvelles technologies dans le but de préparer au mieux les enseignant∙e∙s à répondre aux besoins des élèves.
Enfin, une revalorisation du statut d’enseignant∙e semble inéluctable tout comme un renforcement de la formation continue et de la formation par la pratique.
En conclusion, la Fédération des Étudiant∙e∙s Francophones va continuer à travailler pour soutenir une réforme de la formation initiale des enseignant∙e∙s qui corresponde aux besoins tant des élèves que des enseignant∙e∙s, indispensable pour assurer une société plus juste dans laquelle tout le monde peut trouver sa place et s’épanouir.