Le 22 septembre dernier, une proposition de loi, déposée par la députée Valérie Van Peel (N-VA), est venue remettre en cause le secret professionnel, obligeant les travailleur.euse.s sociaux.ales à lever ce mécanisme, pourtant indispensable à leur travail. Toujours au stade de proposition, et depuis lors en débat au Parlement, cette levée du secret professionnel présenterait un risque majeur pour les institutions sociales (CPAS, mutuelles, syndicats, …), pour leurs usager.ère.s mais aussi pour les nombreux.ses étudiant.e.s qui aspirent à devenir ces mêmes travailleur.euse.s. Tour d’horizon de la proposition de loi.
Celle-ci vise à restreindre ou à lever le secret professionnel, et donc à contraindre les institutions et travailleur.euse.s à communiquer certaines informations, au nom de la lutte contre le terrorisme. Plus précisément, elle vise deux objectifs principaux : une transmission des données administratives, ainsi qu’un devoir de renseignement en cas de suspicion d’implication dans « une activité terroriste ».
Ces deux volets posent chacun leur lot de questions et d’incohérences :
- Transmission des données administratives : il est difficilement imaginable que seules les institutions sociales soient en possession d’informations que les services de la population (hôtels de ville, communes, …) n’aient pas déjà. Des informations pourtant facilement disponibles pour la justice, et ce dans le cas de n’importe quelle enquête, pour n’importe quel type de faits. Pourquoi donc cibler les travailleur.euse.s sociaux.ales ?
- Renseignement d’activité terroriste : ce deuxième objectif – le plus crucial de la proposition – obligerait les professionnel.le.s, sous peine de sanction, à transmettre toute suspicion d’activité terroriste dans le chef d’un.e bénéficiaire. Cela pose toutefois question : un.e travailleur.euse est-il/elle compétent.e pour évaluer ce type d’élément ?
Deux mesures qui semblent tout à fait incohérentes, d’autant plus que d’autres, déjà existantes, permettent de lever ce secret en cas de menaces importantes, imminentes et qui ne peuvent être évitées que par la violation de ce secret (dont la menace terroriste).
De l’importance du secret professionnel
Ce mécanisme assure la protection du/de la bénéficiaire et de sa vie privée, et permet d’établir un véritable lien de confiance et de confidentialité entre l’usager.ère et le/la professionnel.le. Il représente la pierre angulaire du travail social, et se veut un instrument indispensable à un travail en profondeur, et de qualité.
Remettre en cause le secret professionnel revient à mettre à mal le travail social, lui-même déjà rendu compliqué par une accumulation de mesures politiques, économiques et idéologiques. En outre, les récentes déclarations du ministre de l’Intégration sociale, Willy Borsus (MR) – allant dans le sens d’une extension de cette proposition de loi à d’autres types de délits – ne viennent en aucun cas rassurer les défenseur.euse.s du secret professionnel.
Autre risque bien réel : celui de voir apparaitre d’autres projets de loi qui viendront étendre cette mesure à d’autres professions, dans d’autres secteurs. Ainsi, les enseignant.e.s, psychologues, avocat.e.s et autres médecins risquent d’être, eux aussi, confronté.e.s à cette mesure, impactant dès lors davantage de professionnel.le.s et usager.ère.s. Une proposition de loi du ministre de la Justice Koen Geens (N-VA) est d’ailleurs, en ce sens, en préparation.
Conséquences pour les étudiant.e.s
Un grand nombre d’étudiant.e.s se trouvent concerné.e.s et subiront, dans leur futur travail, les conséquences de la possible adoption d’une telle loi. En effet, nombreux.ses sont ceux qui, en Communauté française, sont engagé.e.s dans des filières sociales, comme les assistant.e.s sociaux.ales, par exemple. A l’heure actuelle, rien ne les prépare à devoir faire face à de telles mesures, des contraintes qui pourraient devenir les leurs plus tard – tout comme les professionnel.le.s d’aujourd’hui ne sont pas formé.e.s pour transmettre des informations précises, stipulées dans le projet de loi.
Le rôle et la raison d’être d’un.e travailleur.euse social.e se situe dans l’aide et l’accompagnement, le suivi et l’insertion de personnes en difficulté. C’est le choix de milliers de professionnel.le.s et étudiant.e.s
C’est pourquoi la Fédération des Étudiant.e.s Francophones, via son Conseil Fédéral, s’est positionnée contre cette proposition de loi et toutes mesures qui viendraient mettre en danger le travail social et ses (futur.e.s) travailleur.euse.s. La FEF se dit donc en faveur d’un maintien du secret professionnel et une défense du travail social, et s’est également prononcée pour un soutien aux diverses initiatives prises par les étudiant.e.s, seul.e.s ou en partenariat avec des acteur.trice.s du secteur social. Une note de position, proposée par le groupe de travail « travailleur.euse.s sociaux.ales » a été votée en ce sens.